Le secret des traducteurs qui réussissent tient en 4 mots : qualité, fiabilité, ponctualité et intégrité…
Parce que Au Fil de la Plume® ne serait rien sans sa créatrice, nous avons obtenu pour vous une interview exclusive. Bon d’accord, elle a volontiers accepté de se prêter au jeu ! Patricia en trois mots ? Directe, engagée et ouverte. Avec elle, les choses sont dites. Avec elle, les petits traducteurs ne se laisseront pas avoir par les grosses agences. Avec elle, le relationnel primera toujours. On vous laisse continuer à faire connaissance.
• Quelle est ta vision de la traduction ?Avec les années, elle s’est dégradée. Je déplore souvent l’arrivée massive des agences (les grosses) qui vendent des prestations qu’elles ne réalisent pas à des prix défiant toute concurrence, qui empêchent les petits bureaux de traduction de s’aligner. J’ai souvent en 20 ans de carrière récupéré des documents médicaux, traduits en dépit du bon sens que les clients avaient payé à prix d’or.
Malgré tout, je reste convaincue que les traducteurs qui vendent de la qualité ont encore une carte à jouer. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde ultraconcurrentiel qui impose à toutes les entreprises de se distinguer par la qualité de leurs produits et de leurs prestations. Le premier contact client passe souvent par une brochure commerciale ou un site internet. De nombreuses sociétés se rendent compte que les erreurs de traduction qui parsèment certains documents leur coûtent chers, très chers et pourtant, elles étaient persuadées de faire une bonne affaire à la base, puisqu’elles avaient acheté des mots au kilo-octet sur une plateforme de traduction discount promettant monts et merveilles.
Je pense qu’il n’y a pas de miracle, le secret des traducteurs qui réussissent tient en 4 mots : qualité, fiabilité, ponctualité et intégrité… ce sont d’ailleurs les valeurs de Au Fil de la Plume®. Il faut arrêter de dire aux clients que l’on peut tout traduire depuis toutes les langues et vers n’importe quelle langue.
Je reste très attachée aux méthodes à l’ancienne : un traducteur, un relecteur et j’ai une sainte horreur des relectures faites par un ordinateur qui se contente de vérifier le nombre de paragraphes, de lignes, de points et de virgules. C’est pourtant ce que proposent 90 % des agences.
Je vais vous raconter une anecdote. Il y a une quinzaine d’années, un prospect me contacte avec une demande un peu particulière : « j’ai fait traduire mes documents en allemand et en anglais, mais je ne comprends pas je ne vends rien, pouvez-vous m’expliquer pourquoi ? » Il ne m’a pas fallu très longtemps pour comprendre que le copain qui avait traduit les documents en allemand et en anglais était de langue maternelle française et que sa maîtrise des langues remontait à ses années passées sur les bancs de l’école.
J’ai donc établi un devis à ce Monsieur, qui m’a répondu : « c’est cher… ». Mais qu’est-ce qui est le plus cher ? De payer un vrai traducteur qui vous permettra d’exporter votre produit dans le monde entier et de gagner de l’argent ou de donner un billet à un copain qui ne vous permet pas de vous exporter, parce que vous vantez les mérites d’un produit de luxe dans une brochure low-cost qui n’inspire pas confiance ? Le luxe ne se vend pas avec des coquilles et des fautes de grammaire. Nous collaborons depuis tout ce temps. Il est implanté partout dans le monde… Je lui consacre du temps, pour visiter son usine, pour comprendre sa passion, et ce qui fait la différence entre son produit et celui de ses concurrents… il m’arrive souvent de donner une ligne directrice à mes traducteurs : si vous deviez acheter ce produit, qu’aimeriez-vous que l’on vous en dise ? Ils savent qu’ils ont toute la latitude possible pour traduire mais surtout pour adapter les brochures à leur pays et à leur vision du produit.
Voilà ce qu’est pour moi la traduction : un échange entre le client et son traducteur qui bénéficie au client et lui permet d’avancer sereinement dans ses projets à l’international.
• Que t'apporte-t-elle ?De quoi vivre ;) Plus sérieusement, un contact et un enrichissement humain et culturel. En 20 ans, j’ai rencontré beaucoup de personnes, des chefs d’entreprise, des particuliers qui vont se marier ou qui entament une procédure d’adoption… J’ai côtoyé des milliers de passions, j’ai approché de nombreux domaines dont j’ignorais jusqu’à l’existence. Derrière chaque produit, chaque entrepreneur, chaque dossier que je traite, il y a une histoire. Et pour faire une bonne traduction, il faut accorder du temps à ses clients et surtout écouter leurs anecdotes, jusqu’à s’en imprégner. Si vous aimez les histoires, en voici quelques-unes.
L’un de mes premiers clients venait d’être exproprié de l’une de ses propriétés. Il est parti dans une bataille juridique (qu’il a gagnée) visant à prouver que sur ses terres, il existait des vestiges d’une abbaye du Moyen-Âge qui rendaient le terrain impropre au passage d’un train. La première fois qu’il est arrivé chez moi, (mon bureau était alors dans mon appartement), il avait apporté de vieux livres en parchemin, rédigés en latin, ainsi que des plans « cadastraux » du 18e siècle. Pendant 3 heures, il m’a expliqué son combat. Je me suis dit que c’était un beau défi à relever. J’ai cherché un traducteur qui maîtrisait le latin et s’y connaissant en archéologie. J’y ai passé plusieurs jours mais j’ai réussi, là où tous mes collègues s’étaient bornés à dire « Non » sans chercher à comprendre la motivation de cette demande excentrique.
La traduction c’est aussi parfois des fous rires : je me souviens d’un appel d’un Monsieur à l’accent savoyard bien trempé. J’ai mis l’interphone pour que mes collaborateurs entendent, je pressentais dès la première phrase, une conversation cocasse. A la troisième phrase, mes 2 collaborateurs riaient aux larmes tandis que j’essayais de garder mon sérieux. Je me suis mordue les lèvres pendant les 20 minutes de conversation. Au final, nous avons dépanné ce brave monsieur qui avait acheté une balayeuse à 50 % à une société dans le Michigon (Michigan) dont « vlà t’y pas que la notice cause pas français et j’ty essaie ben de les appeler depuis ce matin 7h mais ça y répond pâ ». Certes, la discussion avec cet accent à trancher au couteau nous a apporté un peu de légèreté en plein milieu d’une journée chargée. Néanmoins, nous avons appelé la société américaine, récupéré la notice en français et nous la lui avons remise gratuitement. Il était touchant ce Monsieur, avec qui je suis restée en contact et qui m’a régulièrement envoyé des clients… Nous avons souvent ri, lui et moi, en évoquant son premier coup de fil « à la traductrice de Montmélian… mais une qui traduit pas qui fait autre chose. »
Voilà ce que m’apporte la traduction : des rencontres parfois extraordinaires, parfois touchantes mais toutes authentiques, et c’est ce qui fait la beauté de ce métier.
• Comment envisages-tu l'avenir de ton métier ?Pas différemment… ce que j’aime dans ce métier, ce sont les gens qui viennent « sonner » à ma porte avec leur histoire. La traduction c’est à la base la mise en contact entre deux cultures, c’est permettre à deux personnes de langue différente de se comprendre. Cette compréhension passe déjà et avant tout par la compréhension de mon client, de ses attentes, de ses rêves. Je fuis les usines à traduction comme je fuis les grands centres commerciaux impersonnels. Je suis la petite épicerie du coin qui connaît ses clients, leurs bobos, leurs rêves, leurs joies et j’aspire à le rester.
• Quel est ton roman préféré ?J’en ai plusieurs qui ont marqué mon parcours de lectrice : les Mémoires d’un Âne… ne riez pas, c’est vrai ! L’intelligence et la débrouillardise ne valent rien sans l’intelligence du cœur et la bienveillance. Je suis une grande idéaliste, j’aime à penser que si un âne est capable de comprendre que son comportement n’est pas le bon a fortiori, un humain le peut aussi.
Notre prison est un royaume qui est bâti sur une valeur très forte chez moi : l’amitié, la relation à l’autre.